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Docteur Jean-Georges Rozoy


Résumé des abréviations utilisées dans les articles : consulter la liste.

1976

Dr J.G. ROZOY

NOTES BIBLIOGRAPHIQUES



ALBRETHSEN S. et PETERSEN E. — Gravene pa Bögebakken (Vedbaek) [The excavation of a mesolithic graveyard from Vedbaek, Denmark], Sölleröd bogen, 1975, pp. 9-60, 24 fig. (texte danois avec résumé anglais de 6 pages).

Cette splendide et impeccable plaquette nous est donnée par le National Museet de Copenhague sous la double signature de S.E. Albrethsen (Fortidsminde-forvaltningen) et de E. B. Petersen (Forhistorik Arkaelogisk Institut, Frederiksholm Kanal 12, DK 1220 Kobenhavn K, Denmark). Elle concerne la fouille de sauvetage effectuée en mars-avril 1975 à Henriksholm-Bögebakken, près de Vedbaek, 20 km au nord de Copenhague, sur un terrain destiné à une école, où les bouteurs ont fait apparaître un cimetière épipaléolithique. Avisé par des amateurs vigilants, le National Museet a aussitôt fait tout le nécessaire, et les photographies publiées montrent qu'il l'a été impeccablement. On peut admirer et envier l'efficacité déployée à ce propos par les services danois, d'ailleurs déjà au travail en janvier 1975 à 100 m de là.

Le cimetière était situé dans les limites de l'occupation mésolithique, sur une langue de terre s'avançant dans le marais (un ancien fjord comblé), et couvrait au moins 50 m x 30 m avec des tombes dans toutes les orientations, mais la plupart E.-O. ou O.-E. Le site classique de Vedbaek-Boldbaner est à 400 m au sud, de l'autre côté du marais ; il est daté vers 4600 av. J.-C. (années conventionnelles C14) tandis que le cimetière de Bögebakken l'est (par des éléments typologiques trouvés dans deux tombes) de vers 4100 av. J.-C. Vedbaek est donc contemporain de Téviec et Hoédic (4650 ± 350 av. J.-C.) et Bôgebakken un peu plus tardif. La culture de Vedbaek emploie comme armatures des trapèzes à base décalée et quelques rares flèches tranchantes.

La fouille de janvier dans la partie Sud du site avait mis en évidence, par tamisage à l'eau et tri au laboratoire, 2 000 vertèbres de poisson sur un mètre carré et demi. Les auteurs concluent donc qu'il faut corriger la vue précédente de l'alimentation en ce lieu (cerf, chevreuil, sanglier, phoque, marsouin) car le poisson a dû être la source principale de nourriture : haddock, maquereau, anguille de mer dominent. Cet avis pourrait être discuté. Une meilleure technique de recherche (que nous ferions bien d'imiter) a certes prouvé l'abondance du poisson. Mais on ignore les taux de conservation des vertèbres de poisson et surtout celui des os de mammifères dont la plupart sont détruits par les chiens (présents dans la culture de Vedbaek) ou par divers carnivores. Un poisson qui laisse 20 ou 30 vertèbres ne pèse qu'1 ou 2 kg (souvent moins) et un cerf pèse 175 kg en moyenne, dont 105 kg de viande. Il faut donc 100 poissons et plus pour contrebalancer un cerf. On peut admettre pour la pêche un taux entre 25 et 75 % de l'alimentation mais il serait imprudent d'être plus précis en l'état actuel des connaissances. Et pour les sites de l'intérieur (en France, la majorité), la pêche devait jouer moins qu'au Danemark.

La fouille du cimetière couvrit 2 500 m2 et révéla 17 tombes avec 22 individus, non compris ce qui avait été détruit par les engins. Les tombes étaient rectangulaires ou ovales, profondes d'un demi-mètre, sans structures de bois ni de pierres. Elles contenaient jusqu'à trois personnes, toutes (sauf une) en position allongée. Ocre dans presque toutes les tombes, sur la tête, le bassin et les jambes. Onze tombes contenaient du mobilier, et plusieurs autres, abîmées, avaient pu en contenir. Il y a 6 hommes, 6 femmes, 5 enfants et 5 indéterminés actuellement (dont probablement 3 hommes et 1 femme). Les mobiliers funéraires paraissent reliés aux âges et sexes, avec plus de mobilier pour les hommes âgés, mais une jeune femme de 20 ans enterrée avec son nouveau-né était très copieusement équipée. Deux tombes (un homme, une femme) contenaient des bois de cerf comme à Téviec ; les hommes sont munis d'outils quotidiens : haches, pointe rainurée avec silex latéraux, lames de silex. Les femmes portent des pendentifs en dents de cerf et de sanglier, parfois d'élan ou d'aurochs : l'une (n° 8) en portait 190 près de la tête, plus des coquilles de Neritina fluviatilis, et 50 autres près de la ceinture avec plusieurs rangées du même coquillage. Une autre (n° 19) portait sur la poitrine une cinquantaine de dents percées, surtout de cerf, mais aussi d'aurochs, de sanglier et d'homme, plus des dents non percées. Un homme paraît être mort d'une flèche, comme à Téviec (accident de chasse ? ou crime personnel ?).

On remarquera que Neritina fluviatilis est ce même coquillage qui à Muge est associé à Trivia europea, les autres étant beaucoup moins nombreux. A Téviec et Hoédic, il est remplacé par Littorina littorea (le petit bigorneau) d'une forme analogue, qui est porté principalement par les femmes, alors que Trivia (le pucelage) est surtout porté par les hommes (Y. Taborin, Gallia Préhistoire, 1974). Le port de Neritina par les femmes à Bögebakken est donc l'homologue de celui de Littorina à Téviec-Hoédic, mais dans le site danois les hommes (jusqu'ici) ne portent pas de Trivia.

Les auteurs poursuivent avec une brève revue des tombes contemporaines, une de Vedbaek Boldbanner, une de Korsör Nor, une de Melby et une double féminine de Dragsholm, plus jeune de 1 000 ans, avec parure abondante de dents. Ils en fournissent les photographies, puis évoquent les cimetières bien connus de Téviec, Hoédic et Muge, dont ils soulignent les étroites similitudes avec Bögebakken, y compris l'ocre, les bois de cerf et les mobiliers spécifiques des tombes féminines ou masculines.

Une publication détaillée est en préparation. La beauté et la remarquable rédaction de la plaquette préliminaire, parue l'année même de la découverte, nous en laissent bien augurer.

Il est peut-être utile de rappeler à propos de ce cimetière que, si les sites danois du N.-E. demeurent paralittoraux (par eustatisme périglaciaire), les sites célèbres de Téviec et Hoédic, actuellement sis dans des îles, étaient à l'époque d'utilisation des points hauts dans la forêt, à un ou deux kilomètres du rivage, et que l'abondance des bois de cerf, mâchoires de cerf et sanglier, etc., dans les tombes montre pour nourriture essentielle comme à Bögebakken les mammifères terrestres et non les coquillages - sous la réserve évoquée plus haut à propos de la détection du poisson. Par contre, des différences de mobilier sont bien connues, les pointes rainurées en os avec silex latéraux n'existent pas en France et les haches en bois de cerf y sont rares (et d'autres types qu'au Danemark). La vie quotidienne, malgré quelques différences d'outillage, paraît donc avoir été très analogue, avec un goût similaire de la parure, en Bretagne et dans les îles danoises. Et cette vie des archers holocènes était calme et faste, malgré des accidents. Qui de nous aujourd'hui mange du cerf et du sanglier tous les jours ?


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